par Frédéric Lefebvre-Naré
Après un détour très demandé par le Presse-Papier (bonjour à ses animateurs), je reviens au cadeau incroyable, environ 12 millions d'euros, que les contribuables argenteuillais font au promoteur privé Fiminco.
Comment un promoteur sensé peut-il s'embarquer dans un projet aussi absurde, aussi mal placé, et aux multiples risques techniques ou, évidemment, commerciaux ?
Un défenseur professionnel des centres villes, Franck Gintrand, a publié début 2015 quelques tribunes alertant sur la prolifération des zones commerciales et projets type Polygone. Voici quelques extraits de l'un de ces articles, sur le cas de l'Hérault justement. À méditer avec discernement, mais sans modération[1].
"La consommation est en berne mais rien n’y fait : les zones commerciales continuent de pousser comme des champignons en automne. Et les difficultés financières des collectivités ne vont sans doute pas contribuer à stopper cette course à l’étalement urbain. Au contraire : avec des recettes en berne et des entreprises qui ferment ou se délocalisent, les villes se rabattent sur le foncier pour remplir des caisses vides et les centres commerciaux pour annoncer la création d’emplois.
Il faut construire, quoi qu’il en coûte et jusqu’à la folie. Même si ces projets sont dépourvus de pertinence économique. Même si les centres-villes du Sud sont les plus malades de France et que les friches se développent en périphérie.
Un vrai paradoxe, que pointe Pascal Madry, directeur du bureau d'études Procos : quel que soit le contexte économique, les baux commerciaux ne cessent d’augmenter. A l’origine de ce mécanisme, des procédés comptables qui permettent aux promoteurs de «faire figurer la valeur de leurs murs commerciaux (...) à l’actif de leur compte de bilan», même s’ils ne perçoivent aucun loyer et que «leurs locaux restent vides». «Plus les investisseurs pratiquent des loyers élevés (...) plus ils valorisent leurs murs.»
Autrement dit, chaque projet, même s’il n’est pas rentable, permet au promoteur de trouver les fonds pour financer le projet suivant.
Parmi les opposants aux centres commerciaux, les plus remontés sont les commerçants de centre-ville, qui voient leurs activités sérieusement menacées par cette concurrence déloyale.
Les écologistes prennent également part à la bataille. Pour ces derniers, le problème n’est pas tant la concurrence que les dégâts…
Dans les rangs des opposants, on compte aussi les riverains. De plus en plus exaspérés par la construction de centres commerciaux à quelques centaines de mètres de chez eux. Lors d’une réunion publique à propos d'Ode, un projet de méga centre commercial au sud de Montpellier, les inquiétudes et la colère ont explosé au grand jour. Les habitants, jusqu'alors peu ou pas informés sur ce projet, ont soudainement pris conscience des conséquences qu’aurait ce centre sur la circulation automobile sur un axe déjà saturé: 2.000 voitures de plus chaque jour aux heures de pointe !
(Mais) les villes n’ont plus les moyens de financer des constructions spectaculaires. A défaut, un centre commercial apparaît alors souvent comme le seul projet réaliste d’un mandat. Car non seulement le privé le financera entièrement, mais en plus la vente des terrains permettra à la ville de faire rentrer de l’argent dans des caisses désespérément vides.
Les zones commerciales remplacent les usines pour maintenir un semblant de dynamisme et d’emploi. Les promoteurs l’ont bien compris et arrivent toujours avec des promesses de créations d’emplois, qu'ils agitent en guise de drapeau blanc. (Sans) préciser qu’un emploi créé en périphérie détruit trois emplois en centre-ville.
Lorsque le maire de Béziers (de l'époque) a refusé que (le promoteur Orchestra) s'implante en périphérie de la ville, (son) dirigeant déclarait dès le lendemain dans Midi Libre: «Je n’ai quand même pas l’habitude d’être accueilli comme ça!», avant d’ajouter «aujourd’hui, les municipalités, quand on leur met sur la table des emplois sérieux, solides en CDI... ne refusent pas ce genre de propositions». Une interview qui en dit long sur l’état d’esprit du promoteur, habitué à avoir face à lui des maires moins téméraires.
La machine s'est donc emballée.
(Les) pouvoirs publics (essayent de) mettre un terme à la prolifération des zones commerciales : la loi Pinel prévoit un renforcement du contrôle des commissions chargées de délivrer les autorisations et complexifie les critères d’implantation pour les promoteurs.
Des mesures nécessaires mais insuffisantes. Car tant que les bilans (comptables) des (sociétés d'investissement) ne seront pas représentatifs de la réalité du marché immobilier, les promoteurs continueront à implanter de nouveaux centres commerciaux.
(Rappel) pour les élus : c’est dans les villes dont le centre était malade que le FN a réalisé ses meilleurs scores aux dernières municipales."
Notes
[1] Je ne marque pas les coupes. Merci de se référer à l'article original. Le lien en fin de citation est un ajout de ma part.
1 De Bernard -
C'est dans les villes dont le centre est malade que le FN a réalisé ses meilleurs scores aux municipales.
Justement à Béziers, ville administrée comme chacun sait par Robert Ménard, le centre ville était laissé à l'abandon depuis plusieurs années.
Quant à la paupérisation des habitants du centre ville, je n'en parle même pas.
Robert Ménard l'a bien compris.
Depuis 2 ans, il a axé sa politique locale sur la propreté, la sécurité et la reconquête du centre ville.
Dans le magazine mensuel municipal du 01/10/2016 (l'équivalent de l'argenteuillais) il affirme que ça marche et donné les chiffres suivants :
2015 : 35 % de commerces vides - 2016 : plus que 15 %
Depuis le 01/01/2016, création de 80 magasins ouverts en centre ville pour 15 fermetures.
J'ignore la politique mise en œuvre pour obtenir ce résultat et si ses chiffres sont exacts.
Les faits sont là, constatés par ma famille biterroise.
2 De Bernard -
400 centres commerciaux abandonnés aux États Unis, le pays de la consommation et du crédit.
Pourquoi ?
www.francetvinfo.fr
Et en France, on continue à construire ces centres commerciaux, certains distants parfois d'une vingtaine de kilomètres en eux mais chaque ville doit avoir le sien, en affirmant comme dans le commentaire promotionnel du POLYGONE de Béziers (cf mon commentaire 7 sur notre billet 16) que si le centre commercial a été construit, c'était pour retenir les clients biterrois qui partaient faire leurs achats à Montpellier....(distance environ 80km)
Effectivement, la municipalité d'alors laissant son centre ville se paupériser.
3 De Bernard -
francetvinfo.fr : les centres commerciaux américains ne font plus recette
Toutes mes excuses
4 De Bernard -
Je reviens sur mon premier commentaire.
Après recherches sur le site internet de la ville de Béziers, les 5 solutions trouvées pour relancer le commerce en centre ville.
- accompagnement sur mesures offerts aux nouveaux commerçants : analyse du dossier, mises en relation avec des professionnels locaux, recherche d'un local, conseils et expertise.
- possible exonération sur la taxe locale sur la publicité extérieure : cette taxe est un frein à la pollution visuelle des enseignes extérieures et un frein à la prolifération et/ou la réduction des panneaux publicitaires.
- autorisation donnée d'utilisation du domaine public.
- harmonisation de l'espace public, garantir la protection du patrimoine, et permettre la lisibilité des différents commerces.
- droit de préemption sur les fonds de commerces pour préserver la diversité commerciale en centre ville.
Vous essayez de maintenir le centre ville propre par un service voirie efficace et comme toute ville FN qui se respecte, une police municipale onipresente (à pied en voiture et à cheval - si,si)
Bref, si la municipalité d'Argenteuil a vraiment l'ambition de relancer le commerce de qualité en centre ville, elle le peut sans avoir recours à la construction démesurée d'un centre commercial
5 De Moirsol -
A propos de Béziers ce lien qui bien sûr ne confirme pas le propos de Bernard (fort complaisant avec la municipalité fn !) :
http://www.lci.fr/economie/commerce...
Une lecture édifiante à commander au Presse Papier : Comment la France a tué ses villes d'Olivier Razemon, édition Rue de l'échiquier 2016.
Merci à l'auteur de ce blog pour la qualité de sa réflexion contre ce projet de la mairie d'Argenteuil.
6 De Bernard -
@ moirsol
Désolé moirsol mais je ne peux pas vous laisser dire que je suis fort complaisant avec la municipalité FN, ni celle là ni une autre.
Je retranscris simplement un mensuel municipal ainsi que le site de la ville.
Je voulais simplement démontrer que l'on peut relancer le commerce dans un centre ville à moindres frais.
Je ne fais en aucun cas la promotion personnelle de Robert Ménard....
7 De Bernard -
@ moirsol
La vidéo que vous mettez en lien est un reportage datant du 03/02/2014 c'est à dire avant les dernières élections municipales.
J'ai parfaitement reconnu la rue Française, rue que j'ai connu très commerçante car elle relie les Allées Paul Riquet (promenade ombragée de 800 m de long) et la mairie
Effectivement, à la date de ce reportage, le centre ville de Béziers, c'était bien celà.
Depuis le centre ville retrouve un semblant de vie.
Et croyez moi, j'ai mal qu'une ville FN semble réussir ce que les municipalités précédentes auraient pu réussir si elles en avaient eu la volonté politique.
Je vous remercie d'intervenir sur notre blog et pour la lecture que vous nous recommandez.
8 De triton -
https://youtu.be/Jx69l5zQ3Sc
pour poursuivre le débat, Razemon sur youtube
9 De Moirsol -
@Bernard
N'écoutez pas la propagande de la municipalité fn de Béziers.
Commentaire d'un internaute biterrois (2016) :
"Primus Inter Pares il y a 3 heures 19 Février 13:53"
Le sentiment partagé par tous est l'immense faille entre l’auto congratulation de la municipalité et la triste réalité de la dégradation commerciale de notre centre ville !
( http://www.midilibre.fr/2016/02/19/... )
10 De Bernard -
@ Moirsol
Rassurez vous, je ne suis pas dupe de sa propagande et de son auto satisfaction.
De passage à Béziers ce week end, j'ai voulu me rendre compte de visu en déambulant dans les principales rues commerçantes du centre ville.
Vous aviez raison (je m'en doutais aussi) d'où il sort ses chiffres ?
On est loin des 80 boutiques soit disant ouvertes !
Il y aussi beaucoup de locaux commerciaux vides avec des affiches en trompe l'oeil apposées sur les vitrines (avec le logo de la mairie et un numéro de téléphone)
Pour autant et par rapport à ce qu'était le centre ville il y a quelques années, j'ai constaté un regain d'activité, certes modeste mais il n'empêche....
Conclusion : la mort des centres villes n'est pas une fatalité.