Argenteuil et ses agglos : dernières nouvelles de Seine-Défense

par Frédéric Lefebvre-Naré

Ça bouge à la veille de Noël ! Le Conseil d'État conclut que la dissolution d'Argenteuil-Bezons n'a rien d'urgent, le Maire d'Argenteuil s'en prend à "l'État-PS", ses alliés UMP présumés de Seine-Défense ne le soutiennent que symboliquement, le tribunal administratif le condamne dans l'affaire du premier Conseil d'agglo…

Pour rappel, le Conseil Municipal avait voté en juillet pour l'adhésion au Grand Paris à sa création au 1er janvier 2016 et pour la dissolution d'Argenteuil-Bezons au 1er janvier… 2015 ! Il fallait donc trouver une agglomération pour une année de transition : Argenteuil a voté en novembre son adhésion à Seine-Défense. Les procédures sont complexes, elles demandent de nombreux accords et bien 6 mois au bas mot ? Argenteuil avait donc été demander au Conseil d'État, plus haute juridiction administrative, de rompre "d'urgence" son lien avec Bezons.

Voici le résultat, présenté par le Maire, Georges Mothron ; il a ouvert le Conseil municipal du 16 décembre par la déclaration suivante :

… J’ai le sentiment profond que l’Etat Socialiste a déclaré la guerre à la commune d’Argenteuil[1]

La ville d’Argenteuil est passée en référé au Conseil d’Etat la semaine dernière dans le cadre d’une procédure d’urgence, (pour obtenir) la dissolution de l’agglomération actuelle. …

Le Préfet du Val d’Oise nous opposait que nous ne disposions pas de continuité territoriale vers l’agglomération Seine-Défense que nous souhaitons rejoindre.

(Mais) la ville de Colombes, en date du 13 novembre, avait pris cette délibération et la ville d’Asnières-sur-Seine vient de voter en date du 11 décembre une délibération identique.

Nous avons également fait valoir qu’un conseil d’agglomération extraordinaire de Seine-Défense se réunirait cette semaine afin d’entériner ces demandes d’adhésions.

Ce soir, l’ordonnance du juge des référés du Conseil d’Etat nous a été communiquée. Je vous en communique le résultat. (Georges Mothron en lit quelques lignes et conclut) : Voici Mesdames et Messieurs l’Etat qui nous gouverne !!!!

Or que dit le Conseil d'État ? Je le cite en phrases normales[2] :

  • ''le préjudice financier qui résulterait du maintien d'Argenteuil au sein de sa communauté d'agglomération pour une année supplémentaire, apparaît hypothétique", c'est le moins qu'on puisse dire ;
  • "l'adhésion d'Argenteuil à Seine-Défense au 1er janvier 2015 serait incertaine car subordonnée à l'adhésion préalable d'Asnières-sur-Seine et de Colombes", et pour cela, il ne suffit pas du premier vote de leurs Conseils ;
  • "même sans adhérer à Seine-Défense, Argenteuil pourrait rejoindre ces communes dans le cadre du Grand Paris" ;
  • pas question que, suite à la dissolution, "Argenteuil ou Bezons se retrouvent sans agglomération en 2015" ;
  • et de toute façon, compte tenu de l'adhésion déjà votée au Grand Paris, Argenteuil-Bezons sera dissoute au 1er janvier 2016.
  • Ainsi, "le refus du Premier Ministre de prononcer la dissolution au 1er janvier 2015 ne crée pas une situation d'urgence".

Qui aurait pu croire le contraire ?

Pourtant, plus tard dans le Conseil, Georges Mothron laissera entendre qu'il imaginait une autre issue possible, et attribue celle-là… à l'influence "maléfique"[3] du Député : « Il a fallu pas mal de temps, quelques semaines pour que le Conseil d’État se prononce sur le référé. J’ai été reçu mercredi matin de la semaine dernière, pendant deux heures, avec le DGS et les représentants du Premier Ministre. Au bout de ces deux heures, le juge a annoncé rendre son jugement pour le vendredi matin ou le lundi matin 15 décembre. Lundi, elle a été annoncée pour mardi 16 matin ; finalement nous l’avons eu à 17h. C’est qu’il devait être difficile à rendre. Il laisse le contribuable argenteuillais otage, pendant un an, de l’agglomération et de sa gestion, comparable à celle de la Ville les deux dernières années. Le juge a mis beaucoup de temps… je souhaite qu’il n’y ait pas eu trop d’influence de celui que nous attaquons. » (sic !)

Si au moins Seine-Défense avait, lors de son Conseil du 18 décembre, "entériné" ces adhésions, comme l'annonçait Georges Mothron dans sa déclaration ! Alors la commune d'Argenteuil aurait pu reconvoquer d'urgence son Conseil pour la 2ème approbation nécessaire, et Georges Mothron aurait pu mettre toute la responsabilité sur le Premier Ministre, entre Noël et le jour de l'an.

Ce n'est même pas le cas !

Comme le montre la vidéo postée par Christophe Grébert, le Conseil Communautaire Seine-Défense n'a été convoqué le 18 décembre que pour "s'exprimer sur l'attractivité qu'il suscite" (!, 1ère minute), selon le président Éric Cesari (UMP).

Le discours parle de "l'accompagnement de la dynamique du quartier d'affaires" élargie aux communes voisines avec "un élément essentiel : la prise en compte des habitants".

Un espace "qui prend forme dans le cadre de la dynamique du Grand Paris", l'exposé commence par en rappeler la complication institutionnelle de celui-ci.

Éric Cesari indique que deux communes limitrophes de la petite couronne ont demandé, dans les temps, leur rattachement au Grand Paris : Argenteuil et… Paray-Vieille-Poste (l'aéroport d'Orly).

"En 2014, il y a un changement, il n'est pas neutre : les élections municipales ont créé un débat dans un certain nombre de communes" sur le rôle du Grand Paris qui aurait marginalisé les agglomérations existantes et même les communes. La "mission de préfiguration" a alors rétabli l'équilibre : les Territoires (avec des recettes fiscales !) remplaceront les Agglomérations.

La Boucle Nord, Argenteuil s'y rattache (toujours selon M. Cesari) et ce n'est pas négligeable avec 105000 habitants : c'est "sur cette partie là que nous avons à bâtir notre nouveau périmètre."

"L'État tiendra in fine les ciseaux, mais ça ne nous empêche pas de prendre l'initiative." Voilà qui réduit fort la portée de ce Conseil !

"En même temps, soucieux de répondre à ces villes (candidats : Argenteuil etc.), nous avons aussi le souci de lancer une étude, de faire des analyses, pour que nous soyons parfaitement sûrs que nos partenariats seront des partenariats équilibrés, sur le plan financier certes, mais aussi sur le plan économique, et de la pertinence du territoire.''

M. Lasserre (PS), en réponse, se demande à quoi bon cette réunion, "gesticulation pour créer un rapport de force" (avec l'État).

"Si l'on avait une carte coloriée, on verrait que nous sommes sur un territoire confetti, et rien d'autre."

Il suffit de demander :

Carte_Seine_Defense_Argenteuil-Dec14.jpg

"C'est un périmètre qui ne correspond en aucun cas à une cohérence économique. Il y a dans notre Boucle Nord deux pôles économiques, quand on fait une analyse des déplacements : Gennevilliers et La Défense".

Oui, mais le maire de Gennevilliers ne souhaite pas du tout porter financièrement seul un Territoire Nord à part, coupé de La Défense !

"Nous sommes pour une Grande Défense avec la Garenne-Colombes, Nanterre, Neuilly."

Une conseillère d'opposition prend ensuite la parole : elle "ne voit pas l'intérêt pour Seine-Défense de s'associer avec les 4 communes citées en isolant Bois-Colombes et la Garenne-Colombes. De plus, deux de ces villes sont fortement endettées" (Argenteuil et Levallois), et "l'argent de l'intercommunalité ne doit pas servir à éponger les dettes de ces autres villes, même partiellement."

Christophe Grébert (MoDem, Puteaux) rappelle que "le Conseil d'État a statué sur la situation d'Argenteuil : elle ne peut pas rejoindre notre intercommunalité et doit rester dans son intercommunalité existante (jusqu'à) la fondation des territoires du Grand Paris."

"Neuilly siège ce soir et va adopter une mention en faveur d'un futur territoire qui rejoint celui que nous défendons, le regroupement de Seine-Défense et du Mont-Valérien, qui est la logique du territoire de La Défense. Un jeune qui, habitant ici, va étudier à Nanterre, ira au stade de rugby derrière la Grande Arche, fréquente le théâtre des Amandiers, Les Quatre Temps… c'est un peu ma situation… ce bassin de vie-là, je le connais particulièrement ! Monsieur Kossowski, Monsieur le Député-Maire, dans votre magazine "Courbevoie Max" d'octobre, vous faites tout un dossier "Grand Paris" avec une carte, où il y a Suresnes et la Garenne-Colombes… mais pas Argenteuil, pas Colombes ! C'est notre bassin de vie."

"Aujourd'hui les sièges d'entreprises s'en vont, 11 à 15% des mètres carrés de bureaux sont vides, il y a un nouveau projet à insuffler à ce quartier et à ce territoire formidable, je ne retrouve pas ça dans votre discours. En quoi ce territoire avec Argenteuil et Colombes répond aux attentes des habitants de Puteaux et Courbevoie ?"


Bonne nouvelle pour finir : j'ai reçu hier le jugement du tribunal administratif de Pontoise qui nous donne raison, et condamne la Municipalité, dans l'affaire du Conseil prétendument urgent destiné à diviser par deux le nombre de sièges au Conseil d'agglo.

Si tout cela est de nature à ramener à la raison les esprits les plus échauffés, et à la table de la coopération, les responsables de tous bords… je m'en réjouirai !

Notes

[1] Le Maire développe trois sujets, dont le 3ème est celui-ci.

[2] La grammaire très spéciale des tribunaux administratifs constitue une langue à part. La version originale des phrases citées ici est le "quatrième considérant" dans le texte en lien. Merci au Maire de l'avoir publié.

[3] Selon son terme lors d'un précédent Conseil.

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