La société historique d’Argenteuil organise ce samedi une conférence à plusieurs voix sur Pierre de Coubertin, l’olympisme et les Jeux de 1900.
Le maire introduit cette conférence en rappelant qu’Argenteuil a été par le passé “fleuve olympique”, accueillant l’aviron et d’autres sports nautiques. Et que la flamme olympique de 2024 la parcourra sur 5 kilomètres.
Claude Piard, premier conférencier, présente “Coubertin, pédagogue universel et mal-aimé du sport français”.
Claude témoigne de multiples sollicitations de la presse mondiale auprès du Cercle Pierre de Coubertin, dont il fait partie. Mais, donc, méfiance en France.
Pierre de Coubertin, étudiant en Angleterre, pratique de nombreux sports, et réussit particulièrement au tir, “de multiples fois champion de France”. Il veut “régénérer la race française par la rééducation physique et morale”, dans le contexte de l’espoir général de revanche après la défaite de 1870-71.
Il publie quelques ouvrages d’Histoire ou sur le sport, mais surtout une dizaine sur la pédagogie. Critiqué par les fédérations sportives françaises, puis pour avoir accordé à Berlin les Jeux prévus en 1916, puis pour avoir déménagé le CIO à Lausanne en 1915, il n’a même pas reçu les Palmes académiques.
Colonialiste comme tout le monde, dit l’orateur (oubliant les socialistes du XIXème siècle et les communistes), Pierre de Coubertin condamne fermement les jeux “anthropologiques” de Saint-Louis, opposant des personnes de races colonisées, à la façon des “zoos humains”. Il s’attend à que les JO soient pour tout le monde quelle que soit sa couleur.
Le mot “race” ? Il était utilisé jusqu’aux années 50 pour désigner une population, sans “racisme” au sens moderne du terme.
Les Jeux de 1936 à Berlin ? Pour la première fois, Pierre de Coubertin a renoncé à présider les Jeux. “Deux ans avant les accords de Munich, il est absent du stade de Berlin”.
Misogyne ? Coubertin prônait dès 1901 “l’égalité des sexes”, mais refuse d’ouvrir les JO de 1920 aux femmes, alors qu’il existe déjà des compétitions sportives féminines. Alice Milliat organise en 1922 des “Jeux Olympiques féminins” qui suscitent une vive réaction du CIO - mais déjà, dans la Grèce antique, des Jeux féminins succédaient aux compétitions masculines. Les femmes seront admises aux Jeux de 1928, mais des polémiques s’ensuivent… une gagnante étant jugée trop masculine !…
Claude Piard évoque en conclusion don Bosco et Jean-Marie Petitclerc, fondateur du Valdocco, pour qui (je cite approximativement) “pour faire un enfant, il suffit de parents ; pour faire un homme ou une femme, il faut tout un village.”
Première tournée de questions : Xavier Péricat trouve que Coubertin n’est plus si dénigré, et souvent mis en avant dans les médias.
Claude Piard répond que ce n’est pas le cas au CNOSF !
Jean-Marie Turgis, médecin du sport, prend la suite pour évoquer Coubertin “hygiéniste”, pionnier du “sport-santé”. Coubertin a emprunté à l’abbé Didon, recteur au collège d’Arcueil, la devise “citius, fortius, altius”, “plus vite, plus fort, plus haut”, qui visait l’ensemble de la personnalité et non la seule performance physique.
Coubertin, comme d’autres, attribue à une supériorité physique du fantassin prussien, la victoire de ce pays en 1870. Mais lui appelle à “l’effort et la liberté d’excès”, contre les tenants, comme Paul Bert, d’une éducation physique égalitaire, et de la gymnastique collective à tendance militaire.
Coubertin parle “d’eurythmie, un accord d’équilibre entre le corps, l’esprit et l’âme”, une vision très individuelle donc de l’activité physique.
“Voilà notre ennemi commun : la sédentarité”. L’activité physique après 50 ans est 10 fois moindre qu’il y a 200 ans. Chez les enfants, elle s’effondre avec l’âge, et tombe près de zéro à 16 ans pour les filles, 20 ans pour les garçons.
“Nous avons la chance à Argenteuil d’avoir des structures sportives solides, avec des encadrants formés” aux activités physiques adaptées aux seniors ou à différentes pathologies. “Il faut que ce soit motivant : faire ce qu’on a envie de faire. Si on n’a plus envie, il faut en changer. C’est l’intérêt des clubs multisports”.
Le Dr Turgis évoque ensuite longuement le dopage, pratique ancienne et très répandue. Selon lui, Winston Churchill attribue aux amphétamines la victoire des aviateurs de la RAF dans la bataille d’Angleterre. L’électrochoc, ça a été la mort de Tom Simpson ; la scène m’a été racontée par le médecin, un ami, qui lui fait du bouche-à-bouche…
Un enseignant en institut médico-éducatif à Argenteuil “depuis 1986” regrette qu’il soit très difficile d’inscrire ces jeunes dans les clubs sportifs de la ville, qui y seraient très réticents.
Le Dr Turgis confirme cette difficulté dans le département, avec l’exemple d’une association dédiée aux activités physiques d’enfants trisomiques, qui avait du mal à obtenir des créneaux dans les installations sportives. Il indique aussi que l’éducation physique vient d’être réintroduite à l’école primaire, à raison d’environ une demi-heure par semaine ?…
Comment se fait-il que la SécSoc rembourse le thermalisme - “c’est très bien j’en ai prescrit”, mais c’est sédentaire - et si peu, quand c’est près de chez soi, les activités physiques adaptées, aux effets massifs sur la santé ?
(Bon, l’horaire des conférences commence à exploser d’une bonne demi-heure. La passion, la passion !…).
Une personne dans le public dit faire “beaucoup de choses pour que les handicapés puissent faire du sport de manière pratiquement gratuite : on va arriver à faire bouger le système et, j’espère, la Ville, pour obtenir des créneaux… Le Président, le Secrétaire, le Trésorier, c’est moi, malheureusement, mais on arrive à faire des miracles”, ce que le Dr Turgis confirme.
José Thierry prend le relais sur les Jeux de 1900[1] ; avant ceux-là, Coubertin avait organisé à Paris diverses compétitions sportives, par exemple lors de l’Exposition Universelle de 1889.
Les Jeux de 1900 ont duré 5 mois ! au fil de l’Exposition Universelle, qui s’est tenue d’avril à novembre. Coubertin n’a pas obtenu de les organiser : ce sont “les concours de l’Exposition”.
Les épreuves sont diverses, de la colombophilie au sauvetage (où un Argenteuillais gagne une médaille).
L’aviron se dispute près d’Asnières, les courses de bateau à moteur à Argenteuil (moteurs à explosion, moteurs électriques et moteurs à vapeur).
Des nouvelles des compétitions sont diffusées par les 3 journaux locaux qui paraissaient à Argenteuil à l’époque, deux à 10 centimes l’exemplaire (le Journal d’Argenteuil et l’Echo d’Argenteuil, “journal radical-socialiste”) et un à 5 centimes (le Réveil, “journal républicain”).
Il y alors à Argenteuil 5 sociétés de gymnastique, de tir ou de préparation militaire (toujours la revanche !).
(Le projecteur, censé être programmé pour se couper à 18h, s’arrête à 17. Encore une histoire d’heure d’été ?).
Quatrième sujet : Gilles Lecoq va “s’adapter à la situation” (l’heure tardive et surtout le manque de projecteur !) en parlant de l’enseignement professionnel. Est-ce que les élèves doivent rester immobiles, ou apprennent mieux quand ils bougent ?
Il parcourt différents sujets dont une interrogation sur le périmètre des “sports” : et le sport automobile ? et les e-sports ? et les échecs ? Il évoque également les “World Skills Games” et l’excellence des jeunes dans les métiers ; les concours des “meilleurs ouvriers de France” et les titres de “meilleurs apprentis de France” : “dans l’enseignement professionnel aussi, la compétition et l’excellence sont valorisées”.
Il conclut avec un “podium à 5 places, pourquoi s’arrêter à 3 ?” (mais je n’arrive à en noter que 3 au vol) : diplomatie sportive, éducation olympique, dialogue interreligieux. “Volontairement je n’ai pas mis le mot sport, c’est le marchepied qui nous amène dans une autre dimension”.
Note
[1] Qui ont compris des compétitions féminines, contrairement à ceux de 1896 et malgré le point de vue contraire de Coubertin.