Fin de primaire

par Frédéric Lefebvre-Naré

Au printemps 2018, j’ai été contacté par les initiateurs d’un groupe de travail, “Argenteuil en commun” : venant des Insoumis, ils voulaient s’inspirer de l’expérience barcelonaise, de celle de Saillans, bref, des communes qui ont expérimenté la démocratie participative.

C’est aussi mon combat depuis une vingtaine d’années, et j’ai été heureux de rejoindre ce groupe. Il a connu entre temps des fortunes diverses :

  • plusieurs départs (surtout des personnes qui, soit le trouvaient “trop à gauche”, soit regrettaient qu’il ne soit pas “de gauche”[1]),
  • beaucoup plus d’arrivées (de personnes très diverses, dont beaucoup de Gilets jaunes).

Une force politique importante à Argenteuil nous a rejoints, Europe Écologie Les Verts.

Nous avons travaillé la première année sur le projet pour la ville, avec des enquêtes, des réunions publiques participatives, un point-rencontre hebdomadaire les mardis soirs… J’y ai investi pas mal de temps et je suis, dans cette mesure, fier des résultats obtenus collectivement : un appel initial dont je ne changerais pas une virgule, une charte d’engagement des candidats aussi exigeante qu’engageante :-) , 27 propositions concrètes et faisables qui constituent déjà une bonne base de projet pour la ville, et ont très bien résisté à l’épreuve des derniers mois de discussions….

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Venait ensuite le temps de la structuration d’une équipe, ce qui passe par le choix d’un·e numéro 1. Nous avons décidé de donner le choix aux Argenteuillais·es, de faire élire cette candidat·e tête de liste dans une primaire ouverte : une démarche citoyenne à l’inverse des rapports de force de partis. Nous avons fait campagne, depuis la rentrée, pour faire connaître cet événement et la chance de renouveau qu’elle constituait. Plus de 12000 tracts diffusés avec les engagements du collectifs et les professions de foi des candidats, plus de 400 affiches, une dizaine de vidéos, des réunions de préparation avec quinze à vingt personnes chaque semaine…

Et après cette longue préparation, nous avons vécu un week-end de concentré de campagne : sur 6 points successifs, nous avons posé notre barnum et les 4 candidat·e·s sont allé·e·s interpeller les passants, les informer de notre démarche, les inviter à participer en votant à cette primaire. À cet exercice, Alima Boumediene-Thiéry est de loin la plus forte, elle a donc remporté cette primaire et c’est justice ; en tout cas de mon point de vue d’élève de Jean Lassalle : la politique c’est aller à la rencontre des gens, les écouter et aussi les convaincre, les inscrire dans une démarche commune. Le reste (le juridique, les tableaux Excel et les tracts en couleur), c’est de l’accessoire.

Avant ce week-end itinérant, nous avons tenu un débat vendredi soir à Mandela ; il a permis à près de cent personnes passées sur place, et plusieurs centaines d’autres par la vidéo Facebook, d’écouter et d’interpeller s’ils le souhaitaient, les quatre candidats.

Bien sûr, dans une primaire, le débat n’a aucun impact sur le résultat (presque tous les votants s’expriment en faveur de la personne qu’ils connaissent le mieux ou apprécient le plus, ou celle qui les a convaincus de venir voter) ; mais c’est un excellent “banc d’essai” pour sentir si on tiendrait le choc d’une campagne en vraie grandeur. J’ai retrouvé, sur les images, ce que je ressentais déjà, d’une autre façon, pendant cette soirée de débat : malgré quelques progrès ces dernières années :-) je suis loin du compte ; je suis encore tout à fait incapable d’entrer dans le rôle d’un politique en campagne électorale. Là aussi, Alima a démontré une aisance impressionnante !

Malgré toutes ces limites, le nombre de personnes qui ont coché mon nom comme tête de liste potentielle, est bien trois fois supérieur au nombre de personnes dont je supposais qu’elles avaient fait ce choix : grand merci à ces Argenteuillais·es que je ne connais pas ou si peu, et qui ont bien voulu, sur la foi de je ne sais quel indice, me faire cette confiance.

C’étaient les premières “primaires ouvertes” à notre connaissance à Argenteuil. C’est un grand succès parce qu’elles ont bien eu lieu, et que plusieurs centaines d’Argenteuillais·es (290 votants) ont participé. Et à la fois, c’est la tristesse de se retrouver à “1%” de personnes qui participent tandis que “99%” hésitent, ont (légitimement) mieux à faire, ou ne se jugent pas concernés. Être démocrate, c’est paradoxalement être peu nombreux (c’est une blague récurrente de Jean Lassalle : quand j’ai manifesté contre ceci, quand j’ai pris tels risques, je n’étais pas très nombreux[2]. Je la cite d’autant plus tranquillement que j’ai pris, au long de ma vie, bien peu de risques par rapport à lui ou à d’autres).

Il est trop tôt, ce dimanche soir, pour dresser le bilan de ce que nous avons réalisé depuis 2018 à Argenteuil en commun : est-ce que ce sera un bide, un ballon de baudruche,… ou est-ce que nous avons déjà fixé l’axe d’une nouvelle dynamique pour la ville, posé le socle d’une majorité large et durable ?

J’ai en tout cas le sentiment d’avoir fait, à peu près, mon devoir et ce qui était en mon pouvoir, pour aider le plus possible d’Argenteuillais·es à s’approprier le devenir de leur ville. Comme je continuerai à le faire dans les derniers mois de ce mandat en poursuivant le travail d’équipe que nous menons depuis 12 ans à Engagés pour Argenteuil : pour rendre compte, de notre mieux, des enjeux municipaux ; pour ouvrir le débat sur ce blog et ailleurs ; pour proposer sur tous les sujets des idées nouvelles, des alternatives, ouvrir des possibilités.

C’est bien sûr un point commun à notre petite équipe, Engagés pour Argenteuil, et au groupe plus large et composite d’Argenteuil en commun : nous croyons au potentiel immense d’Argenteuil et nous rêvons de le voir se concrétiser.

Notes

[1] Parenthèse corrigée le 7 octobre ; j’avais oublié de mentionner le deuxième cas.

[2] Citation corrigée, 7 octobre.

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