par Frédéric Lefebvre-Naré
Si les centres commerciaux nous sont venus d'Amérique, c'est aussi de là-bas que vient la rumeur de leur disparition.
Alors que la Ville d'Argenteuil prévoit, avec le promoteur Fiminco, d'en créer un nouveau sur l'île d'Argenteuil à deux pâtés de maison de Côté Seine, voici, pour alimenter la réflexion, quelques extraits librement traduits de l'analyse de Time "La mort des centres commerciaux, c’est plus qu’une affaire de shopping", 20 juillet 2017.
Il y a dix ans, le centre commercial Schuylkill, avec ses 90 magasins, restaurants et kiosques, était le cœur de la vie quotidienne dans le bassin houiller de Pennsylvanie : les ados s’y rencontraient pour flirter, les seniors chaudement habillés contournaient l’obstacle. Les foules y affluaient pour la chasse annuelle aux œufs de Pâques ou le festival Lituanien, clin d’œil aux origines ancestrales des gens de la région. « Je devais dire un million de fois ‘pardon’ pour arriver au boulot », se souvient Jane Krick, serveuse au restaurant-pizzeria Suglia’s, le dernier qui reste. « C’était plein à craquer. Maintenant, on reçoit un million de coups de fil nous demandant si on est encore ouverts ! »
Mais ça ne durera pas : début mai, la direction a donné 2 à 3 mois aux derniers commerçants pour fermer. Le bâtiment sera démoli. La boule des démolisseurs mettra le centre commercial en bonne compagnie : d’ici 2022, un quart des centres commerciaux des Etats-Unis devraient fermer, victimes du changement des goûts, du fossé grandissant entre riches et pauvres, et de la vague des achats en ligne.
Rien que cette année, 8600 magasins devraient fermer. Depuis 2002, les centres commerciaux ont perdu 448000 emplois, un quart de leur effectif ; le e-commerce en gagnait 178000.
Mais les centres commerciaux n’étaient pas seulement des lieux de travail : c’étaient des points de rassemblement. C’était la place du marché de la Grèce antique, c'étaient les abords des cathédrales de l’Europe médiévale.
Dans les années 60 et 70, le développement des voies rapides et les règles fiscales ont encouragé la transformation de terres agricoles en mammouths de la consommation. La fuite des Blancs loin des centres-villes a apporté leur clientèle, isolant, du coup, les personnes qui restaient dans les vieux quartiers populaires.
Les centres commerciaux sont devenues « les nouvelles Grand’Rues de l’Amérique », écrivait William Kowinski en 1985. Au total, on en a construit 1500 aux USA de 1965 à 2005.
Il en reste 1100, dont un quart risque de fermer dans les 5 prochaines années, selon le Crédit Suisse. Certains se sont déjà transformés : en bibliothèque universitaire, en centre médical ou en auditorium.
Lesquels s’en sortent ?
D’abord, ceux consacrés au luxe. Ils bénéficient de l’enrichissement actuel des plus riches, qui n’ont pas besoin de surveiller les promos sur amazon.
Ensuite, les endroits qui donnent une autre raison de venir, que de remplir son caddie. Le Grove, à Los Angeles, a une vraie rue commerciale empruntée par un trolleybus, et accueille l’été des concerts en plein air. Le Palisades Center à West Nyack, dans l’état de New York, a son bowling, son club d’improvisation et son école de grimper à la corde.
Tout le monde ne veut pas passer son temps libre à l’intérieur ! Beaucoup des centres commerciaux actuels sont pour partie à l’extérieur, associés à des immeubles de logements et de bureaux. Ils attirent la nouvelle génération qui, si elle quitte les centres villes pour la banlieue, y cherche tout de même des quartiers denses où l’on peut vivre sans prendre sa voiture.
L’inventeur du premier centre commercial, Victor Gruen, un socialiste, y voyait les noyaux de nouveaux quartiers denses, pour contrer l’étalement pavillonnaire. Il fut déçu par le résultat : les centres commerciaux ont plutôt contribué à l’étalement ; et, de tous les aspects de la vie sociale, c’est la consommation qu’ils ont mis au centre.
Mais au moins, ils réunissaient grand-mères et ados gothiques, promeneurs tranquilles et acheteurs compulsifs. Maintenant, tout le monde est en ligne, face à son écran.
Quel aménagement imaginer pour le commerce à Argenteuil dans les prochaines années, en tirant les leçons de cette expérience américaine ?…
1 De Bernard -
Très bel article sur le devenir des centres commerciaux aux U.S.A. qui suivra en France.
Je te cite "c'est aussi de là-bas que vient la rumeur de leur disparition."
Ce n'est pas une rumeur mais la réalité.
Je me suis plusieurs fois prononcé sur notre blog à ce sujet.
Lors de la dernière réunion publique à la maison de quartier d'Orgemont, j'ai déclaré que Cap Héloïse était à mon avis un projet du passé.
J'avais demandé si des études de rentabilité à moyen et long termes (de 5 à 15 ans) avaient été réalisées sans obtenir la moindre réponse.
Je considère que l'ambition d'un élu est d'imaginer la ville de demain, une ville agréable à vivre.
Que nos jeunes argenteuillais, une fois devenus adultes, aient toujours envie de vivre dans la ville de leur enfance, la ville où certains sont nés.
Que nous propose t-on ?
Le bétonnage d'un des lieux les plus agréables d'Argenteuil.
La construction d'un complexe commercial/centre de loisirs sur le même modèle que ceux construits depuis 30 ans.
Les Argenteuillais imaginent, rèvent la ville de demain ; ils ne veulent plus de la ville d'hier ou d'avant hier.
Si j'osais une une métaphore : " Non, nous ne voulons pas sur l'ile Héloïse, la construction d'un château fort avec son donjon"
2 De Bernard -
ZAC commerciale et de loisirs de Gonesse prévue à la place du "triangle agricole" de Gonesse.
Là bas aussi des associations et des habitants se battent contre ce méga complexe.
Ils veulent que ces terrains restent des terres agricoles.
Le Tribunal Administratif de Cergy vient de leur donner raison.
Le projet de construction a été annulé, son impact n'étant pas jugé "suffisant"
Gonesse a gagné son combat, nous gagnerons le notre.
3 De Bernard -
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