par Frédéric Lefebvre-Naré — Tribune dans le magazine municipal de juin 2019
D’où vient l’énorme dette d’Argenteuil ? Trois sortes de mauvaises décisions ont pesé lourd.
- Dès les années 80, quand des industries sont parties, la ville a racheté leurs terrains à prix d’or ;
- Les municipalités ont choisi pour certains équipements (centre aquatique, Figuier Blanc…) des emplacements à problèmes, et les travaux ont coûté bien trop cher ; l’Atrium est le dernier exemple de ces investissements ruineux.
- De 2002 à 2007, la Ville a transformé plus de 150 millions d’€ de dette en emprunts « structurés », dits « toxiques ».
Dans un contrat structuré, la Ville
- reçoit, par exemple, 10 millions prêtés sur 15 ans ;
- tout en pariant 2, 5 ou 10 fois plus sur un indice financier, par exemple, le cours du yen en dollars. Si ce cours dépasse une limite, la Ville doit rembourser comme si elle avait emprunté 20, 50 ou 100 millions. Elle joue le rôle de la ‘banque’ d’un casino, qui paye leurs gains aux joueurs, des spéculateurs professionnels.
La Ville faisait des économies tant que les indices n’avaient pas trop bougé ; puis certains indices ont dépassé les limites, et les spéculateurs ont touché le jackpot.
Si tous les indices explosaient, c’était la faillite. La Ville a préféré, à partir de 2012, racheter ses paris. Très cher, forcément.
- En renégociant, en 2015, 48 M€ d’emprunts, la Ville a dû accepter 47 M€ de pénalités, dont la majorité restent à notre charge, malgré une aide de l’État ;
- Sur les autres emprunts, la facture avoisine 46 M€ à la charge des Argenteuillais ; c’est notre estimation à partir des comptes, qui sont publics.
Une mission d’étude sur les emprunts, décidée en novembre, devrait rendre ses conclusions fin juin (au Conseil Municipal du 26 juin).
Espérons que plus jamais, une municipalité ne joue avec une telle légèreté l’argent des Argenteuillais.
1 De Triton -
Je ne comprends pas pourquoi les municipalités n'ont pas choisi des emprunts à taux fixe, comme n'importe quel particulier. N'est-ce pas élémentaire ?
2 De FrédéricLN -
Oui, à taux fixe ou à taux variable indexés sur les indices ordinaires (l'inflation par exemple), ce qui est bien aussi parce que les recettes des collectivités (qui leur permettront de rembourser) évoluent aussi selon ces indices.
C'est élémentaire et c'est aussi ce que recommandaient les cabinets spécialisés, conseils des collectivités (Michel Klopfer ou Finance Active).
Mais en matière de finance, il y a toujours des gens pour (faire) croire au miracle, à "l'opportunité géniale de faire un gros profit que les autres sont trop bêtes pour saisir, dépêchez-vous".
Beaucoup de collectivités ont cédé à la tentation quand elles souscrivaient de nouveaux emprunts. ("Allez, prendre un petit risque de temps en temps ne fait pas de mal").
Quelques-unes ont perdu le bon sens élémentaire (hypothèse la plus honorable) en convertissant toute leur dette, ou presque, en produits fantaisistes de ce type. C'est ce qu'a fait Argenteuil.
3 De FrédéricLN -
Comment ces sujets sont-ils traités a posteriori ? Un exemple à Saint-Germain en Laye en 2012 :
"Lors de ce conseil était examiné le rapport annuel d'activité du SIDRU" (équivalent d'Azur) dont les "emprunts très toxiques sont une grave menace sur les finances".
"La Chambre Régionale des Comptes (CRC), le relais régional de la Cour des Comptes, a rendu un rapport sur la gestion du SIDRU, très sévère avec la gestion d'Emmanuel Lamy, président du SIDRU" et maire de Saint-Germain ( décédé en 2017).
"Emmanuel Fruchard, élu PS et spécialiste des questions d'emprunts toxiques, est intervenu lors de ce conseil pour présenter et analyser le rapport de la Chambre Régionale des Comptes".
"Au bout de quelques minutes, l'adjoint à l'urbanisme Xavier Lebray a grossièrement interrompu Emmanuel Fruchard en jugeant que l'intervention était trop longue et que les arguments étaient déjà connus."
Le "maire de Saint-Germain a accusé Emmanuel Fruchard d'en faire "un combat personnel" et a prononcé cette phrase incroyable : en disant ce que vous dites, "vous nous nuisez"!!"
"Par ailleurs M. Lamy a dit dans sa réponse qu'il n'avait "rien appris" dans ce rapport, que l' "on connaissait déjà tout". Curieuse défense. Donc il savait que les contrats qu'il signait étaient de nature spéculative comme l'a souligné la CRC ? Quand nous dénoncions cette démarche spéculative (dès 2007!) M. Lamy a toujours violemment démenti une telle démarche..."
http://ps.saintgermain.over-blog.or...
Ce sera différent à Argenteuil : quand nous (au MoDem) dénoncions les engagements financiers douteux de l'équipe Mothron (fin 2007 début 2008), ça n'avait rien suscité à ma connaissance, ni démenti ni approbation.
Points de ressemblance en revanche : une personne qui travaille avec le maire m'a demandé de ne pas publier cette tribune avant le Conseil municipal (mais d'attendre juillet), et une autre personne qui travaille avec le maire m'a demandé de ne pas nuire à la réputation d'Argenteuil.
4 De Bernard -
La campagne de désinformation engagée par la municipalité bat son plein.
Elle affiche depuis plusieurs jours sur les panneaux publicitaires de la ville :
0 % de hausse d'impôts : promesse tenue
Faux !
La promesse de campagne en 2014 était de baisser massivement les taux d'impositions.
Dans sa dernière rubrique "les emprunts et la dette : le choix de la transparence fait-il peur à certains ?"
Ce dont la municipalité a peur, est d'annoncer aux argenteuillais, le fiasco de leur mandature qui arrive à sa fin.
Alors on ressort depuis 5 ans le même discours, les mêmes graphiques du compte administratif 2013 en oubliant de préciser qu'il s'agissait essentiellement d'investissements réalisés cette année là mais toutefois non budgétisés dans ce compte administratif.
Certes, sur le plan comptable, toute dépense engagée doit être auparavant budgétisée mais quel rapport avec le coût d'un emprunt souscrit et sa renégociation par la suite ?
La ficelle est grosse et les argenteuillais ne seront pas dupes.
La tribune de la municipalité conclut :
- depuis plus de 10 ans, la dette de la ville diminue et la commune peut investir sans avoir recours à de nouveaux emprunts.
Certes mais à quel prix ?
Toutes les prestations sociales (cantine, tarifs divers) n'ont jamais autant augmentées depuis 5 ans.
Depuis 10 ans, les habitants ont connu un mandat sans aucune augmentation d'impôts.
Certes mais reconnaissez que vous bénéficiez toujours de la fiscalité votée par la municipalité qui vous a précédé.