Carrière sous la montagne du Parisis : décision en vue pour les 30 prochaines années

par Frédéric Lefebvre-Naré

Placo, qui exploite la carrière de plâtre à la limite d'Argenteuil et de Cormeilles, demande de passer pour les 30 prochaines années en souterrain, sous la totalité de la montagne du Parisis, sauf les quartiers habités. Pendant ce temps, la carrière à ciel ouvert actuelle, soit 86 hectares, accueillerait 350000 tonnes de remblais par an, pour devenir un espace vert. Le même volume de remblais serait ensuite amené pour combler la carrière souterraine, jusqu'en 2046 (au moins).

Une enquête publique est en cours, jusqu'au 2 juin. Il reste à ce jour deux permanences des commissaires enquêteurs, jeudi 2 juin de 14 à 17h dans les mairies de Franconville et Montigny-lès-Cormeilles.

Les Conseils Municipaux des communes concernées, dont Argenteuil, auront ensuite 2 semaines pour donner un avis :

  • Créer cette immense carrière souterraine, à remblayer ensuite, est-ce une bonne idée, dans un secteur aussi urbanisé ?
  • Et si c'est la décision prise, les moyens prévus suffisent-ils à réduire les risques ?

Pierre Belot et moi-même avons pu, lors de la permanence de ce samedi 28 mai à la Mairie d'Argenteuil, consulter le dossier… en diagonale : ce sont plusieurs milliers de pages, mais le commissaire enquêteur nous a aidé de son mieux.

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Je crois possible de maintenir l'activité de l'usine à Cormeilles, et pour l'approvisionner, de creuser, effectivement, sous la montagne. Cependant, la lecture rapide du projet m'a conduit à trois inquiétudes et une interrogation[1].

1) Concernant la circulation des camions de remblais (jusqu'à 640 par jour[2]), le schéma proposé est très peu convaincant, bien qu'il prévoie des investissements substantiels, avec la création d'une nouvelle voie, en tranchée, depuis le cimetière de Franconville jusqu'à hauteur de l'usine (Cf. schéma ci-dessus).

a) Selon ce schéma, tous les camions de remblais, une fois vidés, devraient repartir par le Sud, par Cormeilles ou surtout, pour aller vers Paris, par Argenteuil. En effet il n'y a pas d'entrée sur l'A15 au Moulin de Sannois. La création d'une entrée, sans doute raccordée à la bretelle d'accès venant de l'A115 vers l'A15, semble indispensable. Or selon l'État, qui convient de son utilité, comme selon le Maire de Franconville, c'est à Placo de la financer.

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b) Pour les camions venant de Paris, l'accès suppose un demi-tour sur l'A15 via le "carrefour Ikea" et celui de "Quai des Marques", déjà très sportifs ! pour revenir ensuite vers la sortie Moulin de Sannois (qui n'existe que venant de Cergy). Ou bien sortir sur l'A115 à Franconville et traverser le quartier des Noues… Ce circuit compliqué risque d'inciter les camions à emprunter en fait, à l'aller comme au retour, la sortie Sud, c'est-à-dire traverser Argenteuil. La solution serait sans doute un demi-tour mieux aménagé sur l'A15 à hauteur d'Ikea.

2) Un pipeline souterrain d'hydrocarbures, Le Havre-Paris, appartenant à la société Trapil, passe par là ; il monte justement du "rond point Ikea" jusqu'à la route stratégique puis passe sous celle-ci. En noir pointillés sur la carte ci-dessous.

Version 2

Or des infiltrations d'eau, ou des défauts dans la voûte de plâtre de la carrière, provoqueront des effondrements en surface, comme cela se produit en forêt de Montmorency et ailleurs. C'est bien pourquoi la carrière ne pourra être exploitée sous des bâtiments.

Sans être spécialiste, je trouve très inquiétante la rédaction floue des dispositions correspondantes :

  • pas d'explosif à moins de 40 mètres de la verticale de la canalisation… "sauf autorisation de la société Trapil" (dont j'imagine limitée l'expertise en mécanique des sols) ;
  • "visite de chantier avec un représentant de Trapil" avant que le forage n'arrive à ce niveau : que verra le représentant, à 80 m de profondeur ?
  • et en cas d'incident (voûte effondrée…), "accélérer la mise en place des remblais de consolidation dans la zone de l'incident, et pour ce faire, éventuellement reprendre des remblais d'un autre secteur en cours de remblayage si nécessaire" et "prévenir la DRIEE et Trapil"[3] ! "Éventuellement si nécessaire"… J'ai du mal à imaginer que le déplacement express de remblais (sans grande portance) puisse faire plus que dissimuler la portée de l'effondrement. De plus cette procédure est inapplicable à une galerie principale dont dépendrait l'accès au reste du site souterrain.

De la même façon, le fort de Cormeilles risque d'être très endommagé. Cela exclut pour l'avenir toute activité impliquant un hébergement sur place[4].

3) Autre inquiétude : quels remblais seront enfouis là, loin de tout contrôle tiers ? Le remblaiement relèverait de la société spécialisée ECT, dont l'employé d'accueil serait chargé… de refuser tout chargement d'odeur ou de couleur douteuses ! Un contrôle "semestriel inopiné" sur "deux chargements" (donc un camion sur 30000 !) serait confié à un laboratoire, pour résultats 2 semaines plus tard (ou plus), alors que les terres concernées auraient été noyées sous d'autres remblais. Ces dispositions peuvent-elles être jugées suffisantes… au XXIème siècle ? Elles me semblent plutôt inciter à une gestion opaque par le concessionnaire.

Il me semble que le contrôle des chargements devrait relever d'un organisme indépendant (indépendant d'ECT et de Placo), mandaté par les collectivités locales (par exemple l'Agence des Espaces Verts de la Région Ile-de-France), et se faire en continu avec des moyens modernes et une diffusion en continu des résultats.

4) Enfin une interrogation, et une perspective d'avenir. De la carrière à ciel ouvert, pourrions-nous tirer un meilleur parti que de la reboucher avec du remblai ?

Les 111 mètres de dénivelée entre la crête et la plaine, et la pente abrupte créée par la carrière, en font un beau site pour des activités de glisse. Même une piste de ski couverte s'y trouverait bien mieux qu'à Gonesse où elle est prévue sur 3 hectares, Saint-Quentin en Yvelines où elle a été envisagée, ou Amnéville-lès-Metz où se cache actuellement la seule piste de ski indoor de France (3 M€ de chiffre d'affaires, une cinquantaine d'emplois).

Quel que soit le sport retenu, le site serait idéal… et sans impact sur le paysage, ni sur l'environnement naturel de la plaine. Bien sûr, un bon accès depuis l'A15 serait précieux, ce qui nous ramène au premier point, celui de l'échangeur. Espérons que nos élus municipaux ne se contentent pas de demander à l'État du goudron, mais recherchent aussi la meilleure mise en valeur de cette "montagne" !

Notes

[1] Je reformule ici, à l'attention de visiteurs n'ayant pas connaissance du projet, mes observations sur le registre du commissaire enquêteur.

[2] En période de remblaiement à la fois du site à ciel ouvert et des premières "chambres" souterraines.

[3] Point 4.2.1.3 du "rapport non technique".

[4] Dommage, je l'aurais bien vu redevenir un centre de stages commandos… pour les Franciliens amateurs de Mud Days et autres défis sportifs.

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