par Frédéric Lefebvre-Naré
Suite de mes notes en Conseil Municipal, avec mon intervention sur le budget.
3. Décision modificative n°2 sur le budget de la Ville.
Xavier Péricat, Adjoint aux Finances, présente une décision modificative qui ne change pas les recettes ou dépenses totales, mais redistribue entre différents "chapitres".
Intervenant pour le groupe d'opposition, j'ai souligné l'éclairage étonnant que ces rectifications donnent sur les précédents débats budgétaires, notamment la "modification n°1" qui, en septembre, avait énormément chargé le budget de la Ville, en y intégrant 11,6 M€ pour indemniser SPIE Autocité, de sa concession perdue. Voici mon intervention :
Monsieur le Maire, chers collègues,
Ce Conseil a voté en novembre dernier, contre l’avis de l’opposition, un protocole d’accord avec SPIE Autocité, l’ancien concessionnaire de nos parkings. Ce protocole déterminait un montant d’indemnité à verser par la Ville à cette société de parkings. Il était donc logique de prendre une nouvelle décision modificative du budget 2014, et c’est celle que vous nous proposez ici.
Je limiterai mon intervention aux trois principaux chapitres : celui sur le protocole SPIE Autocité, donc, celui sur le fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des emprunts toxiques, et celui sur les charges générales, le « chapitre 11 ».
1 - Charges générales. Voilà trois mois, vous nous présentiez une première décision modificative du budget 2014. Vous nous expliquiez avec la plus grande véhémence que le chapitre 11 manquait singulièrement de crédits, que des factures supplémentaires allaient arriver, qu’il fallait donc l’augmenter, de 3,3 M€ (sans compter l’affaire SPIE Autocité), alors même que cela conduisait à présenter un budget en déséquilibre. Les dépenses sur ce chapitre budgétaire sont généralement stables : le compte administratif 2013 tel que vous l’avez présenté indiquait 31,4 millions d’euros, il fallait cependant, selon vous, budgéter 33,8 M€ pour tenir les 4 derniers mois de l’année.
Trois mois après, je cite votre note de synthèse « il est procédé à un réajustement au cas par cas au vu de la consommation des crédits ». Un réajustement de combien ? de 1,7 M€ (toujours sans compter l’affaire SPIE Autocité). Et on revient ainsi à moins de 32 M€.
Je compte sur vous pour affirmer que c’est le fruit de votre plan d’économies, mais c’est difficile à croire, d’autant que dans la décision modificative de septembre, vous expliquiez déjà que ce budget intégrait pleinement le plan d’économies ! Et pourtant, au titre des « prestations de service », vous estimiez nécessaire en septembre d’ajouter 1,34 M€ ; vous en retirez maintenant plus de la moitié, 735000 €. Pour le chauffage urbain, vous ajoutiez en septembre 545000 € ; vous en retirez encore plus, soit 615000 €.
Cela ne peut que soulever un soupçon concernant le budget présenté en septembre. Celui d’avoir été insincère, destiné à noircir exagérément le tableau dans le but d’une manipulation politique des chiffres, chiffres que vous aviez d’ailleurs soulignés à l’époque, à longueur d’interviews et de réunions. Là-dessus, le groupe Tous Fiers d’Être Argenteuillais, qui avait dénoncé à l’époque une manipulation des chiffres, ne prétendra pas être surpris par ce début de remise en ordre.
Le chapitre 2 de votre délibération soulève la question des emprunts toxiques.
Je sais bien que c’est un sujet battu et rebattu dans le débat politique argenteuillais. Mais ce n’est pas par hasard. C’est parce que votre équipe, Monsieur le Maire, Monsieur le Premier Adjoint, est unique en France. Vous êtes la seule équipe aux responsabilités en 2006-2008 qui a toujours prétendu depuis que les emprunts toxiques étaient une bonne affaire, et leur renégociation une erreur.
Partout les anciennes équipes municipales ont dit « on a fait une boulette, on s’est fait avoir, on ne savait pas lire les petits caractères, etc. » ; ici c’était impossible de le prétendre, car vos propres interviews de l’époque, M. Péricat, montraient que vous saviez ce que vous signiez — et accessoirement, la liste dont je faisais partie aux municipales 2008 avait attiré l’attention sur ces « engagements hors bilan » accumulés par votre équipe, bombe à retardement dans les finances de la Ville. Vous pouviez tout de même dire « on a fait un mauvais choix, on présente nos excuses », mais ça je ne l’ai jamais entendu.
Heureusement, les gouvernements nationaux, eux, se sont rendus compte des dégâts occasionnés par ces emprunts toxiques, et ont constitué un fonds, qui aide les collectivités à renégocier ces emprunts toxiques pour les transformer en emprunts normaux, avec des charges prévisibles. Le budget 2014 d’Argenteuil prévoyait que nous récupérerions un million d’euros grâce à ce fonds.
Or nous voyons que vous y renoncez et reportez à 2015, en raison de, je cite, « la parution tardive du décret relatif à la constitution des dossiers ». Ça donne l’impression inquiétante que vous ne vous êtes absolument pas occupé du sujet et que vous n’avez même pas essayé de récupérer ce million en 2014. Parce que le décret date du 29 avril 2014, ce qui fait tout de même 7 mois et demi. Il a été complété par un arrêté du 4 novembre, il y a déjà 6 semaines, sur les pièces à mettre dans le dossier, mais c’est un arrêté de quelques lignes et les pièces prévues sont celles que les services auraient préparé depuis longtemps si vous leur aviez demandé d’y travailler.
Donc, de deux choses l’une.
Soit la ville d’Argenteuil n’a rien fait depuis avril 2014 pour réaménager sa dette toxique, ce qui montrerait que vous persistez dans votre dangereuse politique de 2006-2008. Et alors, évidemment, pas moyen de bénéficier du Fonds d’aide.
Mais vous m’avez indiqué en Commission que au contraire, « les emprunts structurés avec risque de change, il n'y en a plus beaucoup ; un a été renégocié en décembre. Le risque est supprimé ». C’est un résultat remarquable alors, pas loin de 130 millions d’emprunts renégociés en sept mois, bravo ! Mais alors il y a des sommes considérables à récupérer sur le fonds de soutien, pourquoi attendre 2015 ? Alors que vous ne cessez de déplorer le manque de trésorerie ?
C’est incompréhensible, sauf bien sûr, s’il s’agit de charger le budget 2014 en l’attribuant à l’équipe précédente, et de mettre les recettes sur 2015, pour revendiquer une amélioration spectaculaire des résultats. Vous accusiez votre prédécesseur de cavalerie, là c’est de la cavalerie à l’envers ; l’inverse de la cavalerie, on pourrait appeler ça le « génie » : creuser des trous pour pouvoir les reboucher après. En langage moins imagé, on pourrait parler de mauvaise gestion.
3. Enfin les chiffres que vous publiez sur l’affaire SPIE Autocité sont proprement renversants.
Vous reconnaissez à quel point les investissements réalisés par SPIE Autocité,et qui étaient censés justifier la concession, étaient minimes : les investissements en dur, les « investissements corporels » pour reprendre votre terme, c’est seulement 2,2 millions d’euros restant à amortir sur un quart de siècle, c’est-à-dire, pour comparaison ce que nous perdrons en une seule année sur la dotation d’agglo, si nous quittons Bezons pour Seine-Défense.
Il s’y ajoute 4,2 millions du droit d’entrée versé par SPIE Autocité au début du contrat ; mais ça n’est pas une dépense nouvelle, c’est simplement la réintégration dans le budget de la ville, d’un emprunt que vous aviez fait hors bilan.
Et puis 6 millions de « manque à gagner » pour SPIE Autocité, c’est écrit tel quel dans votre protocole d’accord, et ça c’est sidérant : vous avez donc accepté que 6,5 millions d’argent investi donnent droit à 6 millions de bénéfice. Et vous nous rappelez que selon SPIE Autocité, c’était à plus de 25 millions de bénéfice que leurs 6 millions d’investissement donnaient droit ! Autrement dit cette privatisation de nos parkings battait et archi-battait le scandale de la privatisation des autoroutes, à la modeste échelle d’Argenteuil, bien entendu. Vous prétendiez à l’époque, M. Péricat, que la concession était négociée juste à l’équilibre et ne laisserait qu’un bénéfice infime à SPIE Autocité, compte tenu du projet de parking de l’Hôtel de Ville : autrement dit, ce projet que vous portiez aurait été, à lui seul, massivement déficitaire. Difficile de vous en féliciter.
Toujours est-il que vous avez signé ce protocole, et que vous budgétez au total 13,6 M€ en dépenses au titre de 2014.
Vous aviez déjà budgété 11,6 M€ en septembre dernier, vous constatez maintenant que, contrairement à ce vous aviez dit jusqu’à maintenant, 2,4 dûs à SPIE Autocité avaient déjà été comptabilisés comme dépenses par l’équipe précédente, et que vous aviez donc budgété en septembre 400000 € de trop, même par rapport à l’indemnité que vous étiez en train de négocier. Ça devient technique, mais vous m’avez annoncé en Commission des Finances un tableau de correspondance permettant de voir pour chacune des sommes, où elle avait été budgétée en septembre dernier. J’ai bien reçu un mail, qui constitue simplement un résumé du papier que nous avions déjà. Sur les 1,080 M€ que nous avions voté au compte 611, 370000 euros sont supprimés, dit votre délibération, que deviennent les 700000 autres, ce n’est pas plus clair aujourd’hui qu’hier.
Passons encore là-dessus parce qu’il y a un problème encore plus simple : que font ces 13,6 M€ inscrits comme dépenses au budget 2014 ? Et en particulier les 6 millions de manque à gagner, qui ne correspondent à aucun investissement, aucun actif comptable ? Le protocole que vous nous avez présenté annonçait des versements étalés entre 2015 et 2017. Vous pouviez les provisionner, et même à 100%, soit ; mais les faire porter intégralement comme dépenses par le budget 2014 est en totale contradiction avec le vote du précédent conseil municipal.
À l’arrivée de toutes ces opérations, votre Décision Modificative génère un déficit de plus de 8 M€ et annonce des lendemains facilement meilleurs en 2015, 2016 et 2017… que vous allez pouvoir annoncer au point suivant de l’ordre du jour, sur les orientations budgétaires. Je suis certain que vous suivrez le bon conseil que M. Savry a donné il y a quelques minutes, que vous cesserez de jouer à « c’est pas nous qui l’avons fait c’est nos prédécesseurs », et que vous présenterez de véritables orientations budgétaires.
En attendant, concernant le budget 2014, bravo pour la prestidigitation, mais vous comprendrez que notre devoir est de voter contre.
Xavier Péricat répond notamment que le chapitre 011 arrive à 32,5 millions (y compris la ligne correspondant à l'affaire des parkings) et que la décision proposée respecte l’orthodoxie comptable de la « M14 ».
"Sur le Fonds de soutien, nous nous sommes empressés d’effectuer un certain nombre de démarches et avions budgété 1 M€ pour cette raison. Mais sachant que ces recettes ne seront pas perçues en 2014 (pourquoi, justement ?), nous les inscrirons en 2015."
(Ça ne l’a pas empêché d’inscrire en dépenses 13,6 M€ qui n’arriveront que de 2015 à 2017 !).
"Sur la délégation de service public Spie Autocité, elle prévoyait de nombreux investissements, vous ne trouvez pas un délégataire qui effectue la rénovation de tous ces parkings sans une délégation qui dure plusieurs années." Et il repart sur les '6 millions d’investissements réalisés par SPIE", alors que ce ne sont que 2 millions de véritables investissements, en plus du prêt de 4 millions à la Ville.
Le groupe d’opposition proteste à plusieurs reprises pendant cette réponse ; le Maire Georges Mothron conclut que « ces gens n’ont pas les mêmes neurones que nous », interrompt le débat et met aux voix.
4. Débat d’orientation budgétaire pour 2015.
Ce débat commence par un très long exposé de Xavier Péricat sur l’héritage de l’année 2013 : voir mes notes des nombreux Conseils précédents ou réunions publiques, le discours est inchangé.
« On va faire en sorte que ce soit le moins indolore possible pour les enfants d’Argenteuil ».
Sur l'urbanisme en particulier, selon M. Péricat, "le budget 2015 de l’agglomération ne prévoit pas 1 € de crédits pour les espaces extérieurs de Joliot-Curie."
Pour Fabien Bénédic, répondant au nom de l'opposition, l'exposé de l'équipe UMP est « un exercice de style dont le seul but est de justifier le démantèlement du service public municipal. L’héritage, vous en portez une lourde responsabilité. Le produit de la fiscalité locale par habitant est important : il est dans la moyenne des villes de la même strate de population. »
Mouvements d’humeur dans la majorité.
M. Mothron « M. Bénédic seul, même si ce n’est pas facile de se retenir ».
Fabien Bénédic défend les investissements du précédent mandat.
Une conseillère majoritaire se plaint des remarques faites par Mme Cayzac, des « insultes » selon elle : Georges Mothron invite Fabien Bénédic à « dompter » Mme Cayzac…
Fabien Bénédic rappelle que le fonds de roulement de la ville, aujourd’hui autour de -10M€ selon Xavier Péricat, était pire que -20 M€ en 2005 et 2006, pendant le précédent mandat de M. Mothron.
Fabien aurait pu remarquer au passage que dans l'exposé, le tableau présenté sur les concours de l’État (pour se plaindre de leur baisse), était faux également, il omet la Dotation de Développement Urbain que la Ville ne touchait pas en 2013 et qu’elle touche en 2014, si bien que la dotation totale a augmenté de plus d’un demi-million d’euros…
« Le constat que vous présentez est faux, il ne sert qu’à justifier l’abandon de tout projet pour le territoire. Assumez ce choix politique sans vous cacher. Le plus étonnant est qu’aucune de vos projections n’intègre la réintégration de l’agglomération, qui selon vous, jusqu’à cet après-midi, était l’affaire de quelques jours. Peut-être ne croyez-vous pas vous-même à ce que vous annonciez dans la presse depuis quelques semaines ? »
Georges Mothron répond sur ce dernier point (je fais figurer sa réponse dans le billet sur l'agglomération).
Xavier Péricat répond à Fabien Bénédic en revenant moult fois sur l’avis de la Chambre régionale des Comptes, et les économies auxquelles elle invitait. « Selon vous on est des gens de droite, donc le personnel on ne le respecte pas, mais les agents nous les avons en face de nous pour prendre les décisions aussi difficiles qu’impopulaires et surtout injustes pour la plupart des agents qui n’ont pas démérité et auxquels nous devons dire aujourd’hui ‘vous avez bien exercé votre mission, mais nous ne sommes plus en mesure de vous payer’. »
5. Ouverture anticipée de crédits d’investissement au titre de l’exercice 2015, pour pouvoir payer les travaux avant le vote du prochain budget.
Pour l'opposition, Chantal Colin relève que la nouvelle équipe n’avait eu de cesse de critiquer cette pratique de ces prédécesseurs, l’accusant d’avoir fait des investissements « non budgétés »… puisque lancés avant le vote du budget, grâce aux crédits anticipés. Mais « les choses semblent différentes maintenant que vous êtes en responsabilité ! ».
Le groupe Tous Fiers d'Être Argenteuillais s’abstient.
6. Avances de subventions aux associations.
De la même façon, la Municipalité prévoit de verser début 2015 30% de la subvention 2014, du moins si les associations ont déposé des dossiers, « beaucoup ne l’ont pas fait, bien qu’elles aient été relancées ».
Christine Robion (PS, ancienne Adjointe à la Culture) relève que certaines associations ont eu des subventions en forte baisse en 2014 par rapport à 2013. "Il serait juste que les critères que vous avez établis s’appliquent de façon égalitaire à toutes les associations. Cependant, pour ne pas priver les associations de leurs financements, nous voterons pour."
Ce que je fais également, d'autant que le montant prévu, 30%, est cohérent avec l'idée que le budget pourrait être voté en mars ou avril.
1 De ludo -
Le taux plancher du franc suisse est supprimé. Le franc Suisse s‘envole.
C‘est le moment de vérité, on va savoir si la majorité actuelle a bien renégocié les emprunts toxiques sinon Argenteuil est trés très mal !
2 De Frédéric L.-N. -
Oui, c'est une "heure de vérité" sur ce point. Cf. les indications de Michel Klopfer dans Les Echos : http://www.lesechos.fr/journal20150...
3 De Frédéric L.-N. -
Et la réponse au Conseil Municipal de ce 17 décembre, qui doit voter une très coûteuse renégociation de ces emprunts toxiques… qui étaient bel et bien restés dans la dette de la Ville.